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Communiqué de Charles Pasqua

 

 L'actualité du 17 février 2005

Le non à la Constitution, un choc salutaire
PAR CHARLES PASQUA


Treize ans après que les Français ont avalisé du bout des lèvres le traité de Maastricht, les voici de nouveau appelés à décider souverainement de l'avenir de la France. Sur ce point, je tiens à rendre hommage au président de la République pour avoir, cette fois, choisi la voie du référendum.
Ainsi, la décision du peuple souverain, quelle qu'elle soit, s'imposera à tous, en France bien sûr, mais aussi à tous nos partenaires en Europe. Nul ne pense d'ailleurs qu'un rejet par la France de la Constitution européenne signifierait la fin de l'entreprise européenne. Il signifierait simplement
le désaveu de l'Europe telle qu'elle est et telle que le projet de Constitution entend la conserver ad aeternam, «obsédée par ses pouvoirs et indifférente aux résultats qu'elle obtient», selon la formule pertinente de Paul Thibaud.
Treize ans après Maastricht, souvenons-nous des allégations mirobolantes qui nous étaient assénées. La monnaie unique allait nous garantir prospérité et plein-emploi, nous permettre de faire jeu égal avec le dollar, voire de lui damer le pion. Qu'en est-il? La zone euro est atteinte de langueur, le chômage perdure, les délocalisations s'accélèrent. L'échec patent de la stratégie dite «de Lisbonne» comme le serpent de mer des «grands travaux européens» censés relancer la croissance sont la criante illustration de l'impuissance européenne.
L'économie européenne est bien la laissée-pour-compte du vaste courant d'échanges économiques, commerciaux, financiers, qui tire la croissance mondiale au profit mutuel et exclusif de l'Amérique et de l'Asie.
La politique malthusienne de la Banque centrale européenne bride la croissance à dessein, en maintenant des taux d'intérêt supérieurs à la croissance, quand son homologue américaine veille à proposer des taux inférieurs de moitié au taux de croissance de l'économie. Au sein des Quinze, seuls tirent leur épingle du jeu les trois pays qui ont gardé leur souveraineté monétaire: Danemark, Suède, Grande-Bretagne!
Enfin, nous sommes plus dépendants du dollar que jamais, l'euro n'ayant toujours pas acquis la moindre crédibilité commerciale sur les marchés internationaux des matières premières, des biens ni même des services.
C'est donc d'abord sur son bilan qu'il convient d'évaluer la pertinence de notre investissement quasi exclusif dans les politiques conduites à l'échelle européenne, politiques que le projet de Constitution a pour objet de pérenniser puisqu'il fournira le cadre permanent et intangible de l'action publique dans les trente ans qui viennent.
Indépendance de la BCE, gravée dans l'airain de la Constitution, politique de la concurrence, érigée en idéologie, comme vient de le démontrer la directive Bolkestein qui vise à instaurer la concurrence des Etats et des systèmes sociaux sur le territoire de l'Union; politique commerciale, qui aligne les normes européennes sur les standards mondiaux, au détriment de notre agriculture, de notre alimentation, de nos industries, bientôt de nos services et, pour tout dire, de nos modes de vie. Bien loin de nous en protéger, l'Union européenne est devenue le chausse-pied d'une mondialisation sans conscience.
En 1992, le doute était permis. Il ne l'est plus. Dans la plupart des domaines, l'Europe pouvait prétendre incarner l'espoir. Elle est désormais la menace, au point qu'un européen aussi indiscutable que Jacques Delors a pu dire que si l'Europe se mêlait de politique sociale, ce ne serait pas un progrès, mais une régression. «La seule querelle qui vaille, c'est le marché», voilà ce que Valéry Giscard
d'Estaing aurait pu placer en exergue de son projet constitutionnel. Quant aux maigres perspectives politiques ouvertes par la Constitution européenne, elles sont, pour l'essentiel, mort-nées. L'ambition d'une politique étrangère indépendante n'est, aux yeux de l'immense majorité des Vingt-cinq, qu'une lubie française, relayée par une Allemagne qui espère bien, ce faisant, lever les préventions de la France à son accession au Conseil de Sécurité de l'ONU, le but ultime de la diplomatie allemande. L'élargissement a changé la donne, comme nous l'avions vu - ô combien - pendant l'affaire irakienne. L'Europe est atlantiste ou n'est pas. Aussi, loin d'offrir un point d'appui à la conception française d'un monde multilatéral, la Constitution européenne aura pour conséquence de nous ligoter un peu plus les mains dans un lacis de responsabilités pompeuses (le président de l'Union, le ministre des Affaires étrangères de l'Union, etc.) au point que l'on peut se demander si, une fois cette Constitution en vigueur, la France pourrait encore agir de sa propre initiative, comme elle le fit à l'ONU, avec le brio que l'on sait, il y a tout juste deux ans.
Reste l'essentiel. Outre le symbole, ce qui n'est pas rien, quelques velléités et nombre de colifichets, la Constitution a essentiellement été conçue pour redistribuer les pouvoirs au sein des institutions européennes, en raison des élargissements présents et à venir de l'Union. C'est sur ce point d'ailleurs que le projet a failli capoter, l'Espagne et la Pologne se refusant à voir réduit leur poids au Conseil. Et c'est sur ce point précisément que le vote sur la Constitution et la question de l'adhésion de la Turquie sont intimement liés. La Constitution européenne est en fait un nouveau règlement de copropriété qui accorde une part prépondérante aux «familles nombreuses»: l'Allemagne, au premier chef, qui, après l'avantage indu qui lui avait été accordé lors du traité de Nice pour sa représentation au Parlement européen (99 sièges contre 72 pour la France alors que la parité était jusqu'alors de mise) voit la même prééminence consacrée au Conseil des ministres; mais aussi la Turquie, pays qui serait le plus peuplé de l'Union et qui se verra ainsi gratifiée du même privilège exorbitant.
Sachons au passage que ces nouvelles règles n'entreront en vigueur que, dans dix ans, c'est-à-dire précisément à la date prévisible de l'entrée de la Turquie!
Voilà tout ce que les Français doivent savoir avant de se prononcer souverainement. La Constitution européenne n'est pas, comme on aimerait leur faire accroire, l'aimable jubilé de la paix et de l'amitié entre les peuples européens. C'est au contraire l'acte fondateur de la «Nouvelle Europe» chère à Donald Rumsfeld, inféodée aux marchés financiers, coulée dans le moule atlantiste avec lequel l'adhésion de la Turquie va la faire coïncider exactement, intégrée de facto dans le «nouvel ordre mondial».
En rejetant le traité instituant une Constitution pour l'Europe, les Français ne tourneront pas le dos à l'Europe, cette incontournable dimension de leur avenir. Tout au contraire, ils provoqueront le choc salutaire dont l'Union européenne a besoin pour retrouver le fil de ce que le Général de Gaulle qualifiait de «rêve des sages et ambition des puissants».
Au peuple français, le plus politique d'entre les peuples, d'être à la hauteur de ce que les Européens attendent confusément de lui: les hisser de nouveau sur le pavois d'un monde dont la condition humaine serait redevenue l'enjeu.


Ancien ministre d'Etat, sénateur des Hauts-de-Seine, président du
Rassemblement pour la France.

 

Charles PASQUA