(Bataille entre les Aztèques et les Conquistadors - Diego Rivera)Je voulais reproduire ici un texte qui m'a beaucoup fait sourire par son applomb et son humour, celui d'un chef Aztèque actuel s'adressant aux gouvernements européens concernant la dette extérieure des pays latins (source
Chrétiens d'aujourd'hui)
Texte paru dans Carta
a las lglesias, 1-31 mai 2000 (El Salvador).
Eh bien me voici, moi, Guaipuro Cuauhtémoc, descendant des peuples qui,
il y a 40 000 ans, peuplaient l’Amérique. Je suis venu a la rencontre
de ceux qui l’ont rencontrée il y a 500 ans.
Voici donc que nous nous
rencontrons tous : nous savons qui nous sommes et il ne nous en faut pas plus.
Nous n’aurons jamais rien d’autre.
Mon frère douanier européen me réclame un papier écrit avec un visa pour
pouvoir découvrir ceux qui m’ont découvert avant.
Mon frère usurier européen
me réclame le paiement d’une dette contractée par Judas, quelqu’un, en vérité,
que je n’ai jamais mandaté.
Mon frère usurier européen m’explique que
toute dette se paie avec des intérêts, quand bien même il faudrait pour cela
vendre des êtres humains et des pays entiers, sans leur demander leur
consentement.
Et voilà, moi je les découvre.
Moi aussi je peux réclamer mon dû, moi aussi je peux réclamer des intérêts.
Les Archives des Indes font état, avec force papiers, force reçus et force
signatures, de ce que, entre les seules années 1503 et 1660, sont arrivés à
San Lûcar de Barrameda [Espagne], 185 000 kilos d’or et 16 millions de
kilos d’argent, en provenance d’Amérique.
Pillage ? Ça ne me viendrait pas à l’idée Ce serait penser que nos frères
chrétiens ne respectent pas leur septième commandement.
Spoliation ? Dieu me garde d’aller imaginer que les Européens, à l’image
de Caïn, tuent puis dissimulent le sang de leur frère !
Génocide ? Ce serait là accorder du crédit à des calomniateurs comme
Bartolomé de Las Casas, et tous ceux qui ont qualifié la rencontre de
“destruction des Indes”, ou à des extrémistes comme le docteur Arturo
Pietri, qui affirme que l’essor du capitalisme et de la civilisation européenne
actuelle est le fruit de l’inondation en métaux précieux que vous, mes frères
européens, avez arrachés des mains de ceux qui, en Amérique, sont aussi mes
frères !
Non ! Ces 185 000 kilos d’or et ces 16 millions de kilos d’argent doivent
être considérés comme le premier d’entre les divers prêts à l’amiable
consentis par l’Amérique en faveur du développement de l’Europe. Penser le
contraire reviendrait à établir l’existence de crimes de guerre, ce qui
ouvrirait un droit, non seulement à exiger le remboursement immédiat, mais même
à une indemnisation pour dommages et préjudices.
Moi, Guaipuro Cuauhtémoc, je préfère croire en l’hypothèse la moins
offensante à l’égard de mes frères européens. Des exportations de capitaux
aussi fabuleuses n’ont été rien d’autre que la mise en place d’un plan
Marshall-tezuma pour garantir la reconstruction de la barbare Europe ruinée par
ses guerres déplorables contre les musulmans cultivés, défenseurs de l’algèbre,
de l’architecture, du bain quotidien et autres apports supérieurs de la
civilisation.
Voila pourquoi, passé ce cinquième centenaire du “Prêt”, nous sommes en
droit de nous poser des questions : nos frères européens ont-ils fait une
utilisation rationnelle, responsable, ou tout au moins productive des ressources
si généreusement avancées par le Fonds indo-américain international ?
Nous sommes au regret de répondre non.
Du point de vue stratégique, ils les
ont dilapidées en batailles de Lépante, Invincibles Armadas, troisièmes
Reichs et autres formes d’extermination mutuelle, pour être au bout du
compte, sous l’occupation des troupes gringos de l’OTAN, comme le Panama
(mais sans le canal). Du point de vue financier, au bout d’un moratoire de 500
ans, ils se sont montrés tout aussi incapables de régler capital et intérêts
que de se passer des rentes monétaires, des matières premières et de l’énergie
bon marché en provenance du tiers-monde.
L’affirmation de Milton Friedman, selon laquelle une économie assistée ne
pourra jamais fonctionner, vient corroborer ce tableau déplorable et nous
oblige à leur réclamer, pour leur
propre bien, le
paiement du capital et des intérêts, paiement que nous avons si généreusement
repoussé de siècle en siècle.
Ceci dit, il est bien clair que nous ne nous abaisserons pas à réclamer à nos
frères européens les taux flottants odieux
et cruels de 20 % et jusqu’à 30 % que nos frères européens font payer aux
peuples du tiers-monde. Nous nous limiterons à exiger la restitution des métaux
précieux avancés, plus un modique intérêt fixe de 10 % par an, intérêt
composé sur les 300 dernières années.
Sur cette base, et en application de la formule européenne de l’intérêt
composé, nous informons nos découvreurs qu’ils ne nous doivent, au titre
d’un premier paiement de leur dette, qu’une quantité de 185 000 kilos
d’or et 16 millions de kilos d’argent, chacune d’elle élevée à la
puissance 300. C’est-à-dire un nombre qui, s’il fallait l’exprimer,
ferait appel à plus de trois cents chiffres et dont le poids dépasserait
largement celui de la terre.
Comme elles pèsent ces masses d’or et d’argent ! Que pèseraient-elles si
on calculait leur équivalent en sang ? Alléguer que l’Europe en un demi-millénaire
n’est pas parvenue à générer des richesses suffisantes pour régler ce
modique intérêt reviendrait à admettre son échec financier absolu et/ou
l’irrationalité démentielle des présupposés du capitalisme !
Il est vrai que nous ne nous soucions pas, nous Indo-Américains, de telles
questions métaphysiques. Mais, ça oui, nous exigeons la signature immédiate
d’une lettre d’intention qui impose une discipline aux peuples endettés du
vieux continent et les oblige à remplir leur engagement par une privatisation
ou une reconversion rapide de l’Europe, afin que cette Europe nous soit livrée
toute entière au titre du premier règlement d’une dette historique.
Les pessimistes du vieux monde disent que leur civilisation est en pleine
banqueroute et que cela les empêche de remplir leurs engagements financiers ou
moraux. Si tel était le cas, nous nous contenterions de recevoir en paiement la
balle avec laquelle ils ont tué le poète.
Mais ce ne sera pas possible : cette balle est le cœur de l’Europe !
Traduction DIAL (Diffusion de
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