Débat autour de la question de la laïcité ...
Bien qu'ayant décidé de fermer mon joueb principal, je décide de poursuivre ce blog de réflexion autour de l'actualité puisqu'aujourd'hui je considère que les remous qui agitent notre monde concernent, ou devraient concerner tout du moins, tout un chacun.
Je profite de mon emploi de dactylo pour reproduire ici les interviews et entretiens que je tape pour ma boîte afin que chacun puisse profiter de ces diffférents points de vue glanés deci delà dans la presse généraliste.
Voici un entretien donné par Alain Finkielkraut, le philosophe, à la journaliste de France 2 Françoise Laborde autour de la question de la laïcité, qu'a particulièrement évoqué la prise d'otages récente des deux journalistes français par l'amée islamiste du salut en Irak (Cf article du monde).
France 2, le 3 septembre 2004 à 7h39:
Françoise Laborde
Bonjour à tous, avec Alain Finkielkraut nous allons revenir sur cette rentrée scolaire et puis plus largement sur le thème de la laïcité, de l’éducation, de l’enseignement. Alors, quelques chiffres, 12 millions d’élèves dont un tiers ont fait la rentrée scolaire, 240 se sont présentées voilées et 70 ont refusé d’enlever le voile. Elles sont, dit le ministère de l’éducation, en phase de dialogue, c’est à dire qu’on ne désespère pas en effet de leur expliquer quelles sont les règles de la laïcité à l’école. 70 élèves sur 12 millions, on peut dire, Alain Finkielkraut, qu’au fond tout s’est bien passé et que la polémique sur le voile est close ?
Alain Finkielkraut, philosophe
Je ne sais pas si elle est close mais en effet, disons que cette rentrée est une bonne surprise, c’est à dire que les associations musulmanes étaient en position de combat ; vu les circonstances elles ont adopté, j’espère, une autre stratégie. Je voudrais rappeler à propos de cette loi qu’elle met l’accent, en interdisant les signes religieux ostensibles à l’école, sur une différence à laquelle on ne pense pas : la différence entre le laïque et le profane. Autrement dit l’école est un lieu qui obéit à d’autres règles que celles qui règnent dans la société comme espace profane. Il ne s’agit pas à l’école de s’exhiber mais de s’oublier afin d’être enseigné. L’école c’est pas un lieu de proclamation, c’est un lieu réservé à l’attention, voilà ce que dit la loi sur la laïcité. Et puis, autre bonne surprise, j’ai vu sur votre antenne un représentant du conseil français du culte musulman à Bagdad même rappeler que la loi sur la laïcité n’est pas une loi spécifique, qu’elle n’était pas dirigée, qu’elle n’était pas une déclaration de guerre contre une religion spécifique mais qu’elle a ménagée la coexistence. Et là je trouve que certains critiques de cette loi devrait faire leur examen de conscience car il y avait moyen de dire que ce n’est pas comme ça qu’on réussit l’intégration ; malheureusement un certain nombre d’intellectuels et de journalistes de référence ont désigné comme une voie de stigmatisation de l’islam alors que c’était absolument faux et c’était fournir un argumentaire aux islamistes, ce n’était pas la peine de les aider à ce point-là.
Françoise Laborde
On a vu d’ailleurs, y compris effectivement sur notre antenne, une jeune fille dire hier : " puisqu’il le faut je vais enlever mon voile car l’important c’est en effet d’aller à l ‘école et d’apprendre et de réussir ma vie ". C’est bien ça l’idée ?
Alain Finkielkraut
C’est bien cela l’idée et puis, si vous voulez, à l’école on ne peut pas dire que le voile ce soit le signifiant de la pudeur puisqu’au contraire, ça a quelque chose de péremptoire, c’est une manière d’afficher son identité et même d’afficher complet ; voilà pourquoi les professeurs y sont hostiles, une jeune fille voilée leur dit par son voile que de toutes façons elle sait et que le savoir dont elle est elle-même dépositaire ou titulaire vaut mieux que celui qui va lui être enseigné.
Françoise Laborde
En effet, ce qui est signe de pudeur et de discrétion dans un pays ne l’est pas en France ...
Alain Finkielkraut
Pas dans n’importe quel lieu en France, il ne s’est jamais agi d’interdire le voile dans tous les espaces mais l’école c’est autre chose que la société.
Françoise Laborde
Est-ce que dans ce contexte, forcément, la situation des otages français auxquels on pense tous et dont on sait que pour l’instant en tous cas ils ne sont pas libérés, est-ce que vous pensez que ça a incité, au-delà des organisations et du conseil du culte musulman, les familles elles-mêmes à faire preuve de retenue sur ce thème ?
Alain Finkielkraut
Ca aura pesé dans la mesure où en effet les jeunes filles et les familles n’ont pas voulu, de quelque manière que ce soit, être identifiés aux ravisseurs donc il y a avait un soucis très légitime et même très beau de se distinguer. En revanche j’ai entendu des reporters dire à des proviseurs que s’ils faisaient acte de sévérité, ils mettaient eux-mêmes en péril la vie des otages et ce discours là avec ce qu’il implique est assez scandaleux.
Françoise Laborde
Alors, on voit aussi dans l’actualité ce matin qu’on revient à une idée qui avait été évoquée ici et là qui est de prévoir des jours fériés en fonction de la confession, c’est à dire qu’il y aurait à côté des jours fériés de tradition catholique romaine, des jours fériés pour les musulmans, des jours fériés pour les français de confession juive qui feraient Kippour. Alors vous avez l’air consterné ?
Alain Finkielkraut
Alors j’ai été consterné quand cette mesure a été proposée, heureux de voir que le président de la république l’avait refusé. S’il y a des jours fériés catholique en France c’est parce que la France est un pays catholique ou du moins le catholicisme est inscrit dans son histoire. C’est un pays catholique laïque qui a une histoire catholique, ça je pense que la France doit pouvoir l’assumer sans complexes. Les juifs religieux peuvent bénéficier d’une dispense de cours le jour de Kippour, de même pour les musulmans le jour ( ?), ça suffit comme ça et j’ajoute que de devoir ressortir ce projet aujourd’hui a quelque chose d’indécent et même d’obscène puisqu’il s’agirait de dire aux terroristes que finalement " vous voyez, on n’est pas anti-religieux ni anti-musulman ", imaginez ce cadeau que les juifs recevraient : voilà, Yom Kippour est un jour férié pour tout le monde et vous le devez à l’armée islamique du salut, tout cela est absurde et en tous cas très malvenu aujourd’hui.
Françoise Laborde
Et pourquoi vous trouvez ça effectivement malsain parce qu’en fait la pratique fait que ça existe déjà et qu’on est pas obligé de légiférer sur tout, y compris dans ces matières ?
Alain Finkielkraut
Oui d’une part et pour quoi Yom Kippour devrait-il être jour férié pour tous ? Les juifs religieux jeûnent à Kippour, c’est un jour d’expiation, de grand pardon et qu’est-ce que ce serait si ça devenait un jour férié pour tout le monde ? Ce serait un jour où on irait au cinéma, au mois de septembre de l’année dernière sortait Kill Bill donc voilà Kill Bill aurait fait le jour de Kippour un maximum d’entrées, qu’est-ce que ça veut dire ? C’est ça le respect des religions ? Non, vraiment, je trouve cette mesure ...
Françoise Laborde
Ca veut dire que chacun doit s’identifier en plus en fonction de sa religion à l’école ?
Alain Finkielkraut
Non, parce qu’on pourrait dire que tout le monde bénéficie de ce jour férié mais il y a d’autres manières de faire savoir aux élèves qu’il y a des juifs en France ou des musulmans que de leur donner un jour férié supplémentaire. Je pense que de toute façon l’école est saturée de jours fériés aujourd’hui.
Françoise Laborde
Oui. Alors l’enseignement du fait religieux justement à l’école ça sera un des thèmes de cette année, vous pensez effectivement qu’on va y arriver ou c’est extrêmement difficile ?
Alain Finkielkraut
Je pense que c’est difficile et je pense que c’est souhaitable mais pas sous la forme d’une propagande gentillette pour bien montrer que toutes les religions se valent, que toutes les religions disent la même chose, que c’est pas la peine de s’énerver. Les grandes religions dites du Livre ont des différences ; si on enseigne ces spécificité et ces différences, je crois que c’est bien mais j’ai peur qu’on en fasse plutôt une espèce de prêchi-prêcha politiquement correct pour calmer les esprits.
Françoise Laborde
Alors, un mot sur la commission Thélot ,la fameuse commission Thélot vous en faites partie je crois qui va rendre son rapport à François Fillon, qui préconise un certain nombre de choses à commencer par la coéducation, ça veut dire quoi la coéducation ?
Alain Finkielkraut
Je ne sais pas, de toutes façons j’essaierais de m’interroger et de m’expliquer à la commission lorsqu’elle reprendra ses travaux. Avant, la coéducation ça avait un nom très simple, c’était la discipline. Il n’était pas interdit d’interdire mais il était indispensable d’interdire les comportements odieux et violents ; maintenant , vous comprenez, on vit dan l’époque du sympa donc la discipline on en parle plus et on parle d’un nouveau champs d’activité pour les professeurs, la coéducation. Je dis moi qu’aujourd’hui en France tout les prétextes sont bons pour désintellectualiser le métier de professeur. La France s’est caractérisée longtemps par la spécificité et la puissance de son enseignement secondaire voué à la culture générale, elle a dû relever un défi extraordinaire, démocratiser cet enseignement, l’ouvrir à tous. Elle a non seulement échoué mais surtout la démocratisation a été un prétexte pour s’en prendre avec une violence continue à la culture générale elle-même, accusée de tous les mots : elle est ringarde, elle est élitiste, elle parle une langue morte, le français classique, le français littéraire ...
Françoise Laborde
Bilan des courses, plus personne ne sait lire et écrire ?
Alain Finkielkraut
Bilan des courses, les professeurs exercent un métier humaniste, maintenant on leur demande d’exercer un métier humanitaire et chaque fois que précisément ils revendiquent leur intellectualité, on les accuse de non-assistance à personne en danger, c’est une manière d’aggraver encore la catastrophe de l’école.
Françoise Laborde
Une toute dernière question, quand François Fillon dit : il faut revenir à la dictée, il faut revenir à l’orthographe, ça fait un peu sourire, les profs disent qu’ils le font déjà de puis longtemps.
Alain Finkielkraut
Non, ils le font pas.
Françoise Laborde
Vous vous dites quoi ? C’est bien, il faut le faire en effet ...
Alain Finkielkraut
Ecoutez, la méthode globale a été un échec absolu mais ce que je constate c’est que quand Fillon dit ces choses élémentaires de bon sens, tout le monde, dans le milieu pédagogique et même dans la presse, se moque de lui, il est obligé de se justifier. C’est dire, si vous voulez, si l’école comme telle est mal acceptée aujourd’hui en France.
Françoise Laborde
Merci beaucoup d’être venu nous voir et d’avoir fait part de ces réflexions, merci Alain Finkielkraut.
Le débat est ouvert et je pense produire un prochain article sur cette question du voile où je donnerais un avis plus personnel sur cette question importante de société qui nous amène inévitablement à nous interroger sur l'interculturalité et ses conséquences à terme ...
Bien à vous
Songe
à 17:43